Solo show | Marijke Vasey
Exposition
01.02.2024 — 09.03.2024
L’automne était printemps hier
Vernissage
01.02.2024 — 17h
Dans la langue française, le mot cadre est utilisé pour désigner des choses différentes. Il y a tout d’abord le cadre du tableau, objet matériel qui enserre l’œuvre et qui est, comme le définit Louis Marin en 1984 : “un ornement (…) mais un ornement nécessaire : une des conditions de possibilité de la contemplation du tableau” (1). Puis, chez Marijke Vasey, il est également question de son cadre de vie, qui change en 2018, et passe de Londres à Beaubery, une petite commune en Saône-et-Loire. Et enfin il y a le cadre comme structure, comme limite que l’on dessine entre nous et ce qui nous est extérieur, dans une volonté souvent, de contrôle sur les choses et les évènements qui viennent se percuter contre notre existence.
Dans la série présentée à l’occasion de sa première exposition personnelle à DS Galerie à Paris, Marijke Vasey explore, déploie et donne forme à ces trois acceptations du mot cadre, prolongeant ses recherches plastiques autour de la marge et du décoratif, mais révélant également une gestualité plus affirmée, une recherche de mouvement et de physicalité qui se prolonge au travers du choix des formats de ses toiles.
La question du mouvement dans les peintures de Marijke Vasey apparaît déjà au travers de ses méthodes de travail. En effet, l’artiste, pétrie de références iconographiques allant de François Boucher (1703-1770) à Tomma Abts (1967-), travaille d’abord en collage, qu’il soit physique et/ou numérique. C’est à partir de ces travaux préparatoires qu’elle modifie et articule ses compositions. Ces dernières ont connu un tournant décisif en 2019 lorsque l’artiste décide de s’intéresser spécifiquement aux bordures de ses toiles et d’y repousser toutes images figuratives ou motifs à leurs limites recréant ainsi un cadre. Ce processus lui permet alors de donner naissance à des zones liminales et décoratives sur une surface dont le centre est censé accueillir l’image, le message principal du tableau. Chez Marijke Vasey, au centre de ses œuvres, il y a surtout du vide, mais du vide coloré, une surface qui oscille entre une colorfield painting et des esquisses de ciels à la William Turner (1775-1851).
Dans le cadre de cette série, ces dégradés au centre des compositions et à la limite du visible, sont un appel aux différentes saisons et aux changements de lumières qui en découlent, comme les titres le signifient (Spring, Summer, Winter). Nous remarquons l’absence cependant de l’automne, faisant ainsi s’effondrer la tentation d’un système, comme un pied de nez à l’ordre programmatique de la peinture, comme une sorte d’anti-cycle des saisons de Nicolas Poussin (1660-1664) pour qui ces représentations étaient également une façon de livrer une analyse philosophique du monde.
Cependant, l’absence de programme n’élimine pas les objectifs formulés par l’artiste au sein de ses toiles. Et s’il en est un qui attire particulièrement notre attention, c’est celui qui se loge dans la capacité de Marijke Vasey à créer des images composites, dont les caractéristiques sont d’êtres doubles voir multiples. Ainsi, elle fait s’accorder au sein d’un même ensemble figuration et abstraction, tonalités chaudes et froides, motifs rococo et textures digitales, aérosol et couteau pour produire des images ambivalentes mais résolument attractives. Comme elle le formule elle-même “le mélange des différents langages picturaux déployés sert à créer des lacunes ou des ouvertures (…) Accentuer la notion qu’une peinture peut contenir des réalités multiples a pour but de rappeler que des mondes différents peuvent être créés chaque jour” (2).
Finalement, l’exploration formelle et conceptuelle de Marijke Vasey autour “des cadres” lui permet de s’autoriser une liberté de mouvements ; physique et mentale. En organisant sa toile entre éléments figuratifs et espace vide abstraits, l’artiste réalise des tableaux dont la tension agit sur le spectateur à la fois comme un espace de réflexion sur la peinture et son histoire, mais également comme une surface de réflexion personnelle à propos des raisons qui nous animent et nous amènent, depuis de nombreux siècles, à nous arrêter plusieurs minutes ou tout une vie devant un tableau.
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(1) MARIN Louis, Du cadre au décors ou la question de l’ornement dans la peinture, Hors Cadre, n° 2, Paris, 1984, pp. 177-200.
(2) Citation extraite d’échanges écrits avec l’artiste, janvier 2024
Texte par | Margaux Bonopera
Marijke Vasey est une artiste anglo-belge qui vit et travaille en Saône-et-Loire (fr). Elle est diplômée du Goldsmiths College de Londres (2019). Marijke Vasey examine la relation entre la peinture et le décoratif, qu’il soit symbolisme d’un 18ème siècle opulent ou une imagerie actuelle, numérique et flottante. L’artiste prône alors un nouveau regard sur le statut de l’embellissement décoratif en portant son attention sur le rôle du cadre dans le contexte de la peinture. Plus d’infos
Communiqué de presse
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Catalogue