Solo show | Antoine Conde
Foire
29.08.2025 — 31.08.2025
Art-O-Rama
Vernissage
29.08.2025
À l’occasion de cette nouvelle édition d’Art-O-Rama, DS Galerie présente “OUR PAIN™ NOW AVAILABLE IN XXL”, un projet inédit d’Antoine Conde (1997, France), conçu comme un billboard éclaté, un espace visuel composite où l’image se défait de toute immédiateté. Cette proposition, imaginée spécialement pour la foire, prolonge sa collaboration avec DS Galerie et fait suite à son exposition personnelle présentée en mars 2025.
La galerie poursuit ici sa réflexion sur l’architecture commerciale du stand d’exposition, en s’emparant des potentialités offertes par le plan libre d’Art-O-Rama. Le booth n’est plus un simple espace d’accrochage, mais un terrain d’expérimentation plastique et théorique. En écho aux théories de “Learning from Las Vegas” (Venturi, Scott Brown & Izenour, 1972), qui valorisent les formes vernaculaires et les excès signalétiques de l’architecture postmoderne, le stand devient décor, surface, fiction. Il ne s’agit plus de l’utiliser, mais de le scénariser, le détourner, l’exposer comme structure symbolique, à la croisée de l’éphémère, de l’affiche et du récit.
Pour Antoine Conde, le stand devient un espace d’exposition mais aussi de débordement. S’inspirant librement de l’imagerie publicitaire, du format de l’affiche et de l’esthétique du montage, il détourne les codes du billboard pour en faire un paysage composite, saturé d’images, de récits, de signaux contradictoires. À rebours de l’efficacité visuelle attendue, l’artiste propose une lecture ralentie, intime, où l’image ne s’impose pas mais se traverse, comme un récit lacunaire à recomposer.
Publicités issues de magazines, d’imageries pop et populaire, de porno gay ou de documentaires : autant de fragments arrachés à une iconosphère saturée de désir, d’exposition de soi, de mise en scène des corps et des affects. Ici, l’affiche publicitaire devient surface instable, émotionnelle, poreuse, où chaque image agit non comme un message, mais comme un indice flottant dans une composition dense, presque labyrinthique.
En capitales sur le billboard, le slogan “OUR PAIN™ NOW AVAILABLE IN XXL” agit comme une détonation. Il joue sur l’ambiguïté d’un langage marchand appliqué à l’expérience de la douleur, et ironise la marchandisation de nos récits personnels et collectifs, estampillés d’un “™” à la fois cynique et lucide. Ce petit symbole fige l’expérience, la standardise, scelle la dépossession de l’intime. Le “XXL”, lui, convoque à la fois l’esthétique du porno, la culture de l’excès, et l’échelle hypertrophiée des discours contemporains. Tout est grand, trop grand jusqu’à la douleur. Ce geste dit tout : le trauma est public, codé, capitalisé mais aussi partagé, assumé, exposé.
Le dessin, chez Antoine Conde, déborde. Il n’est pas surface lisse, mais terrain instable, traversé, griffonné, raturé : l’image se laisse parasiter par le langage, habiter par l’écriture. Le support semble vandalisé, vivant, traversé par la voix de l’artiste. L’écriture, loin de légender l’image, l’infiltre. Elle devient affect, syntaxe disloquée, récit discontinu. Une façon de dire, ou de ne pas pouvoir tout dire.
L’installation se présente comme un tout cohérent, une grande image pensée pour le format du billboard mais qui peut à tout moment se désassembler, se fragmenter. Chaque dessin peut être retiré, isolé, déplacé : chaque feuille possède sa propre narration, son propre titre, sa propre voix. Ce sont des unités autonomes, jamais closes sur elles-mêmes. Ensemble, elles composent un puzzle affectif, une cartographie mouvante où chaque fragment contient quelque chose du tout sans jamais l’épuiser. Cette logique modulaire fait écho à celle du stand lui-même : structure ouverte, instable, poreuse, où rien n’est figé. Comme nos identités — composites, disloquées, recomposables — l’œuvre refuse l’unité imposée pour lui préférer la multiplicité des récits possibles.
Le stand devient alors le support d’une subjectivité diffractée, à la fois hyper-exposée et résistante, vulnérable mais structurée, prise dans l’excès d’images et la perte de sens. Dans cette mer d’images, où le naufrage est aussi émotionnel que symbolique, un radeau surgit à l’horizon, “Le Radeau de la Méduse”.
Ici, le billboard chavire et avec lui, les récits flottants de nos identités, de nos désirs et de nos douleurs communes.
Texte par | Thomas Havet
Après des études à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Antoine Conde termine son parcours aux Beaux-Arts de Paris dont il est diplômé en 2024. Il grandit à Corbeil-Essonnes et se tourne très jeune vers la littérature, le dessin et le cinéma qui représentent pour lui une échappatoire, un voyage immédiat en dehors de son environnement. Son travail s’articule entre dessins et installations, c’est dans les livres et autres récits qu’il puise son inspiration. Il a présenté sa première exposition personnelle “YOU LEFT A MARK ON MY SCREEN” à DS Galerie en mars 2025. Plus d’infos