Solo show | Alison Flora
Exposition
27.11.2024 — 18.01.2025
Solve & Coagula
Vernissage
27.11.2024 — 17h
Elle colle son œil à la pupille aveugle de l’objet fin qui scintille. Le fil passe dans le chas sans s’abîmer. Elle relie l’ouverture infime que laisse l’aiguille sur la peau, fine comme un minuscule judas par lequel on épie, aux palais et bâtisses qui peuplent son espace intérieur.
Je suis la plume qui dessine l’architecture de ta mémoire
Je suis l’encre qui de mes veines donne naissance aux créatures de tes cauchemars et de tes rêves
Je suis le soufre et la fleur, un cercle
Un cycle qui se renouvelle
Entre deux battements de cœur, les larmes de ma rivière souterraine retrouvent la mer qui abreuve tes angoisses mais aussi celle qui les libère
Pointu comme une épine, rapide comme un rasoir, un pinceau trempé de moi caresse ta délivrance
Alison Flora peint et dessine sur toile et sur papier. Sa palette colorée se décline en tonalités de pourpres et de vermillons, tirant parfois sur le rose clair, le rouge cerise, le lie-de-vin ou parfois même des nuances de terre, lorsque le temps a travaillé la matière. Son trait précis, souvent sinueux, donne vie à des figures spectrales qui nous sont familières car elles nous hantent depuis l’enfance et depuis l’origine de toutes les civilisations : des monstres qui sèment la peur mais qui peuvent incarner la bienveillance ou la protection, des chimères ressuscitées de l’iconographie médiévale ou inspirées de l’heroic fantasy, mais aussi des formes héritées de l’univers du black métal et des artistes symbolistes de la fin du XIXᵉ siècle. Le corps de l’artiste, les traces de son implication physique, sont palpables dans la totalité de ses dessins et de ses peintures. Comme un gisement ou une source, celui-ci fournit la matière organique principale à laquelle s’ajoute, pour conserver la couleur, du sel. Le sang ne peut être prélevé qu’à condition que l’artiste apporte attention et soin à son enveloppe physique et respecte un délai nécessaire pour laisser le temps à son propre corps de produire assez de liquide vital. Se met ainsi en place un cycle constitué d’une période de repos et de récupération de la chair, alternant avec une phase de ponction de l’humeur substantielle, dont nous observons ici les transmutations en images et en œuvres. “Solve & Coagula”, le titre de la première exposition personnelle de l’artiste à la DS Galerie, fait état d’une quête de l’équilibre des forces contraires via la transformation, dont le résultat serait la création de la pierre philosophale. Connue aussi sous le nom du Grand Œuvre alchimique, le processus de fabrication de celle-ci peut-être assimilée à la conception d’une œuvre d’art. Tous deux sont des émanations de l’esprit modelant la réalité matérielle à la recherche d’une forme de transcendance. Ainsi, la première phase, l’œuvre au noir, est placée sous le signe de Saturne, du plomb, du mercure et tout ce qui est sombre. Comme un château de cartes, les certitudes vacillent et s’effondrent. L’heure est à la dissolution de la matière, au démembrement des savoirs, au désordre, et à un face à face avec l’inconscient. Pour renaître, une certaine violence et la mort s’avèrent nécessaires : les choses brûlent et se consomment. Comme un os libéré et nettoyé de tout reste, l’œuvre au blanc se caractérise par sa clareté. Placée sous le signe de la lune, de l’argent et de la pivoine blanche, cette étape correspond au retour à la vie et au triomphe de l’essence sur le chaos. Enfin, dernière étape, l’œuvre au rouge symbolise l’union des forces opposées et la naissance de la pierre angulaire. Sous le signe du Soleil et du cuivre, il s’agit d’une fusion entre contraires stabilisant une énergie potentielle et vivante comme un cœur qui bat.
Alison Flora développe ainsi un travail plastique, où la quête d’une forme de catharsis expiant les chagrins et les traumas du passé se manifeste par la singularité du médium employé et l’incarnation des peurs. Ses dernières peintures au sang, sont accompagnées à la DS galerie, de performances musicales et d’un parterre de fleurs : l’exposition se lit comme un don de soi offert par l’artiste — matériel et physique, mais aussi spirituel — à celui ou celle qui regarde. L’éclosion de la vie, le calice pulsatoire contenant le vivant, et la violence qui peut guider la naissance de la beauté ou du bonheur, se joignent, pour mieux les vivre, au souvenir encore si proche de la mort. Puis, le cycle recommence.
Texte par | Ana Mendoza Aldana
Depuis bientôt dix ans, Alison Flora (née en 1992) utilise dessin et peinture, mais aussi sculpture, musique et vidéo pour exhumer la part obscure du monde et ouvrir des portails vers une autre réalité, aussi sombre que salvatrice. Ses œuvres sur papier peintes avec son propre sang, technique qui a fait sa notoriété depuis 2019, se font l’incarnation la plus explicite de cette connexion viscérale avec les limbes de l’âme et les énigmes insolubles du subconscient. Plus d’infos