Solo show | David Weishaar
Exposition
23.03.2023 — 06.05.2023
La griffe leur apporta une fleur
Vernissage
23.03.2023 — 17h
Le troublant témoignage
Comme un souffle. Une image passe, puis une autre, elles s’enchaînent jusqu’à former un flot continu s’imprimant à la surface de l’œil. Le noir de la nuit se mêle au vent qui fouette le visage. Le jaune d’un panneau de signalisation, l’écru d’un bord de trottoir peint, l’obscurité du contexte. L’iris peine à fixer les couleurs qui passent, au seuil de la vision. En même temps, la route défile sous les pneus écrasant les bandes blanches de la nationale. La voiture roule un peu trop près du fossé. Je ferme les yeux une seconde pour laisser le reflet d’un plot de circulation réfléchissant marquer l’intérieur de ma paupière. Flash. Deux billes phosphorescentes se découpent en arrière-plan de mon champ de vision. Le vent m’assèche l’œil et je ne distingue pas bien ce que j’ai cru apercevoir. Peut-être une bête à l’orée du bois, le regard surligné par les phares ou le halot du radar que nous distançons à l’instant, une silhouette, un profil, des contours, une créature.
Les yeux troublants, cheveux d’ange
Les œuvres de David Weishaar évoquent le souvenir d’une rencontre fantomatique, mystérieuse et furtive, au hasard d’une autoroute ou ailleurs, qui s’installe ensuite comme un doute dans la mémoire, créant des images ambiguës dans les souvenirs. Elles traitent de cette étrangeté du frottement de la rencontre, tant la technique picturale utilisée produit le même effet d’introduction du trouble dans notre imaginaire. Car on peut certes penser être face à des personnages tout droits sortis d’un club berlinois, mais l’on pourrait aussi bien distinguer des anges tombés du ciel, des sirènes sorties d’une lagune, des aliens descendus de leur vaisseau, ou encore une communauté affective bien réelle, que l’artiste aurait photographiée et peinte sur le vif. Les toiles reproduisent ce sentiment d’hallucination douteux, comme la sensation incertaine d’avoir croisé un spectre au bord d’une route, exprimant la vivacité du vécu par la synthèse opérée entre souvenir fantasmé et simplicité de la matière utilisée. Peu apprêtées, les œuvres donnent à voir la crudité de la vision du peintre, adossée aux images qui l’habitent, répondant à de vagues souvenirs enfouis dans la psyché du visiteur. Comme si David Weishaar puisait dans notre imaginaire pour en saisir le contre jour, en dévoiler les créatures tapies dans l’ombre, ici incarnées par de lugubres éphèbes. Ce détour par la représentation des corps voile le désir du peintre de nous mettre face à l’âpreté d’une rencontre avec une matière étrangère nommée peinture, en relation directe avec la toile.
Une fois, une seule, il m’a dit venir d’ailleurs
D’au-delà de l’univers, du pays des grandes solitudes
Peindre pour animer les images, exprimer ce frottement de l’impression de la lumière et des couleurs à la surface de l’œil comme un phénomène fondamental, peut-être notre première expérience de l’étrangeté et le ciment de nos souvenirs. Les toiles rejouent l’impression tactile des couleurs sur l’organe de la vision, ouvrant une porte vers ces images qui défilent sans cesse et se superposent à ce que nous voyons. En l’occurrence, David Weishaar projette des fictions sur cette famille choisie qu’il portraiture comme d’inquiétants personnages tenus à distance du visiteur derrière des grilles ou des filets. Manière de les confiner au fond des bois que je voyais défiler depuis la fenêtre de la voiture, mélanges d’imagination et d’impressions bien physiques laissées sur ma rétine. Moitié fantasme, mi-souvenir, mi-matière, la peinture ne cesse d’apparaître sur la toile rêche dénudée, au-delà du sujet, mais traitant toujours d’étrangeté, offrant la possibilité de s’aventurer dans les images qui se trouvent enfouies dans le lointain de notre mémoire.
Texte de l’exposition | Rémi Guezodje
David Weishaar est un artiste peintre né en 1987 à Hagueneau (fr) qui vit et travaille à Lausanne en Suisse. Il est diplômé de Université de Strasbourg (2009) et de l’ECAL–École Cantonale d’Arts et de Design de Lausanne (2013). Privilégiant le genre du portrait comme principal moyen d’expression, David Weishaar choisit ses modèles parmi des personnes avec qui il entretient une relation forte, d’amitié ou d’admiration pour leur militantisme ou leur engagement. En somme, une affaire de groupe, d’entourage, de famille choisie. Alors, il emmène ses personnages dans des mondes nocturnes et référencés d’univers fantastiques, mainstream, d’histoires de vampires ou de sorcières. Ces environnements oniriques et symboliques sont propices à l’exploration des corps, des genres et des désirs. Par son travail pictural, David Weishaar tente de déconstruire et de visibiliser le rapport aux identités plurielles. Plus d'infos
Communiqué de presse
La griffe leur apporta une fleur.pdf
Catalogue