Solo show | Louis Jacquot
Exposition
24.05.2023 — 24.06.2023
Jeopardy
Vernissage
24.05.2023 — 17h
Imaginées selon les normes du tableau de chevalet (une toile tendue sur un châssis) et rappelant certaines formes iconiques du shaped canvas américain, les peintures de Louis Jacquot s’éloignent pourtant des attributs tabulaires conventionnels. Elles sont irrégulières, étriquées, excessivement épaisses, comme s’il s’agissait de maquettes inachevées. Accrochées sens dessus dessous, parfois superposées, elles renversent l’autorité du tableau et mettent le spectateur en déroute, l’obligeant à se déplacer et à se contorsionner pour découvrir les motifs estropiés qui courent en lisière de l’image et débordent sur les côtés. Le peintre sollicite une vision qui n’est plus frontale mais oblique, empêchant toute possibilité de délectation visuelle. Monotones et répétitives, ses peintures revendiquent le droit à l’ordinaire, à la lassitude, voire à la paresse esthétique, déplorant la relation appauvrie que l’œuvre entretient aujourd’hui avec le regardeur, comme s’il s’agissait de vieux amants fatigués.
Découlant d’un postulat sur lequel l’artiste travaille depuis plusieurs années, qui consiste à reproduire en tableau l’iconographie et les proportions d’un carnet de dessin à partir d’un arsenal pictural minimal (châssis en bois, tissus domestiques, pigments chromes renvoyant au marqueur utilisé dans ses croquis), les œuvres de l’exposition résultent d’un degré de transformation supplémentaire par rapport à leur référent. Elles ont été conçues à partir de chutes de châssis façonnés pour ses tableaux de grands formats. Cette méthode aussi bien générative que dérivative n’est pas sans évoquer la métaphore du régime d’imitation des images dénoncée par Platon dans son allégorie des trois « lits », par laquelle il condamnait l’image artistique en tant qu’imitation illusionniste d’un objet sensible imitant lui-même un concept intelligible.
Reproduisant d’ailleurs des dessins de chambres à coucher, issus des carnets de croquis de l’artiste, ces tableaux aux formes et configurations parfois déconcertantes sont recouverts de pilou cotonneux non apprêté, rappelant la douceur rassurante du pyjama et le moelleux de la literie. Mais les surfaces maculées de traînées brillantes, qui laissent entrevoir des draps défaits et des oreillers froissés, ne sont pas sans évoquer une certaine impureté : les reflets métalliques et les puissants effets de matière enveloppent les toiles d’une substance trouble et visqueuse qui pourrait bien suggérer l’air vicié par l’activité nocturne.
Sous des dehors d’apparente neutralité, la démarche de Louis Jacquot se double d’une approche critique de la peinture et interroge autant sa nature que son rapport au sujet et à la représentation. Bien que la technique du dessin ait servi de point de départ pour établir le contenu visuel des tableaux, le peintre s’est en effet lancé dans une opération de déliaison du trait, au fil des couches successives, des empâtements et des nombreux accidents, donnant naissance à des images informes difficilement reconnaissables. En mettant en péril le référent initial et la notion de modèle esthétique à travers des étapes de métamorphoses successives, les oeuvres de Louis Jacquot donnent à voir le leurre et le simulacre d’une peinture qui possède sa propre réalité, son propre système de gestes et de références, en somme, une vie qui lui est propre, émancipée.
Texte de l’exposition | Roxane Ilias
Louis Jacquot est un artiste diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris (2020). Sa pratique se situe dans un aller retour entre le carnet à dessin et la toile, entre la toile et l’espace de l’atelier. Ses grands tableaux aux angles arrondis sont issus de dessins reportés sur la toile, à la manière des peintres anciens. Des objets du quotidien, des scènes d’intérieurs : un lit, des coussins, des tréteaux autant de sources d’une expression de lignes ou de tâches. Jouant des perceptions, d’effets d’agrandissement et de déplacement, l’artiste déploie un protocole de travail caractérisé par la fabrication de châssis tapissés de tissus légers, sur lesquels il appose les couches multiples d’un mélange qui lui permet d’obtenir un jus métallique si singulier. Plus d’infos
KubaParis, Mai 2023
Jeopardy, Louis Jacquot à DS Galerie
www.
Communiqué de presse
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Catalogue