Solo show | Raphaël-Bachir Osman
Exposition
21.03.2024 — 11.05.2024
Body of Work
Vernissage
21.03.2024 — 17h
Le désir fragment.
Pour cette nouvelle exposition parisienne avec la DS Galerie, Raphaël-Bachir Osman montre pour la première fois un ensemble de peintures majoritairement axées sur la représentation du corps humain. Changement thématique au sein d’une œuvre jusqu’alors plutôt attachée à des sujets issus d’une réalité banale et quotidienne, assiettes, raquettes de ping-pong, saucisses, nappes vichy, glaçages de pâtisseries ou tablettes de chocolat. Une évolution dans laquelle on retrouve toutefois ce qui faisait déjà la singularité de l’œuvre : un certain sens du dérisoire et de l’équivoque mêlé au goût de la nature morte, où le sujet devient prétexte au plaisir joyeux de la peinture.
Dans cet ensemble de peintures récentes, Raphaël-Bachir Osman donne à voir des morceaux de corps. Dos, sein, bouche, moustache, chute de rein, torse, épaule, grain de beauté. Des corps qui ont été vus quelque part dans la vraie vie ou dans un musée. Réels ou fictifs. Qu’il s’agisse d’un proche ou d’une amante, d’une sculpture ou d’un tableau ancien, qu’importe. Ils ont éveillé un désir de peinture, là est l’essentiel. De ces corps, la peinture de Raphaël-Bachir Osman n’en donne jamais une vision d’ensemble. Peut-être par crainte de voir ces figures enfermées au centre d’un tableau. De les y voir flottantes dans un espace, contraintes entre un avant et un arrière-plan. Peut-être par désir de garder ces figures entièrement vivantes. Libres. Respirantes. Entièrement ouvertes dans la forme et le sens.
Dans la peinture de Raphaël-Bachir Osman, il n’est jamais question d’une identité précise. Les corps dépeints peuvent être aussi bien ton corps que le mien ou celui d’un autre. Anonymes. Tout comme ils peuvent être des motifs figurés aussi bien que des abstractions. Cadrage resserré. Perception fragmentée. L’interprétation nous échappe. La petitesse du format nous invite à avancer le nez au plus près de la toile. Histoire de mieux y voir. Et ce que l’on y voit d’abord et avant tout, c’est un délicieux morceau de peinture. Ce que l’on y voit c’est la manière dont l’artiste décline avec gourmandise et les supports et les outils et les manières de faire. Le goût de la chair de la peinture. Celui de l’huile. Sur bois, sur chanvre ou sur lin. Posée avec tendresse et souplesse comme une caresse ou poussée avec dureté. Un jeu sur les rendus et les textures où la peau de la peinture, sa couleur, son grain, sa chair lisse ou granuleuse, devient métaphore de la peau du modèle. Et vice versa. Le désir du corps et le désir de peinture fusionnés. Le corps au travail, c’est là aussi ce que révèlent d’une manière plus abstraite les tableaux intitulés Soapy work ou Joy of painting : incarnations de la joie du geste et des strates colorées qui constituent la mémoire de l’atelier.
À l’évidence, la peinture de Raphaël-Bachir Osman s’inscrit dans une histoire du fragment. Du détail. Histoire d’une modernité qui s’est développée du XIXe siècle à aujourd’hui, en reposant les bases de la représentation en peinture face aux mutations du monde. Une modernité qui repose la question de l’image peinte après. Après les guerres et le morcellement tragique de l’homme. Après la photo et sa perception par zooms et fragments. Après l’industrialisation. Après la mondialisation. Après l’ordinateur et internet. Absorbant ces changements, la peinture moderne a repensé l’image du monde et l’homme au travers d’une esthétique de l’hétérogène et du fragment. C’est dans cette histoire de la modernité que s’inscrit le travail de Raphaël-Bachir Osman. Ces morceaux de corps, qui doivent au close-up, sans doute répondent-ils à une contemporanéité au flux illimité qui nous donne une perception de plus en plus découpée du réel. Sans doute aussi il y a dans cette fragmentation quelque chose qui a affaire avec la mémoire. Donner forme à cette boîte à fantasme qui constitue notre psyché, où les souvenirs toujours se mêlent par bribes.
Garder vivants dans la peinture les choses et les êtres que nous avons désirés. C’est une vaste quête, au fond romantique, que Raphaël-Bachir Osman aborde avec l’énergie de sa jeunesse. Il n’y a pas de grandiloquence ni de pathos dans sa peinture. Quelque chose qui se situe plutôt entre la fascination et la mise à distance. Une façon d’aborder le réel avec un décalage, avec une pointe d’humour et de fragilité. Un peu comme un enfant regarderait le monde caché sous une table ou au travers d’un trou de serrure. Par la découpe, par le petit format, la peinture de Raphaël-Bachir Osman se donne comme une entreprise légère et profonde à la fois. Peindre un nu aussi beau et présent que ceux que l’on trouve chez les classiques. Mais sur un tout petit morceau de tissu, laissé à l’état brut. Comme peindre la beauté du ciel sur une raquette de ping-pong. Il y a dans cette ambivalence une tentative touchante. Une tendresse à l’égard des petites choses qui nous entourent. Un désir dérisoire de préserver des mini riens fragiles. Des tout petits morceaux d’éternité que l’on peut emporter sous son bras, partout avec soi.
Texte par | Amélie Adamo
Diplômé de la Haute École des Arts du Rhin avec les félicitations du jury (2017), Raphaël-Bachir Osman développe une pratique plurielle allant de la peinture à l’installation. En mélangeant les registres et les tons autant que les matières et les effets, Raphaël-Bachir Osman joue habilement d’un humour singulier aux frontières de l’absurde, du mauvais goût ou peut-être des clés d’une symbolique mystique dont les codes resteraient à découvrir. Plus d’infos
Contemporary Art Library, Mars 2024
Body of Work, Raphaël-Bachir Osman à DS Galerie
www.
Communiqué de presse
Body of Work.pdf
Catalogue